espace kugler - espace d'exposition
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Communiqué de presse

Programme

Plan

 

 

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O captains.

« L’île, je suis dans l’île, je n’ai jamais quitté l’île, pauvre de moi. J’avais cru comprendre que je passais ma vie à faire le tour du monde, en colimaçon. Erreur, c’est dans l’île que je ne cesse de tourner. Je ne connais rien d’autre, seulement l’île. Elle non plus je ne la connais pas, n’ayant jamais eu la force de la regarder. Quand j’arrive au rivage, je m’en retourne, vers l’intérieur. Ce n’est pas une spirale, mon chemin, là aussi je me suis gouré, mais des boucles irrégulières, tantôt brusques et brèves, comme valsées, tantôt d’une ampleur de parabole. »
Samuel Beckett ,

OU BIEN

Caro amico ti scrivo cosi mi distraggo un po'
e siccome sei molto lontano piu forte ti scriverò.
Da quando sei partito c'é una grossa novità,
l'anno vecchio è finito ormai
ma qualcosa ancora qui non va.
Lucio Dalla, L'anno che verraà

OU BIEN

O Captain! my Captain! our fearful trip is done;
The ship has weather’d every rack, the prize we sought is won;
Walt Whitman,

O Captain ! my captain, chanté par Berman et le groupe des Silver Jews, (groupe de rock que m’a fait découvrir Gilles Rotzetter ; des jeunes artistes aux enseignants c’est aussi une histoire de flux et d’échanges).
De la grave écriture de Samuel Beckett au charme nostalgique d’une chanson de Lucio Dalla ou de l’humour déjanté des Silver Jews se dessinent les émotions complexes d’enseigner dans une école d’art, d’éprouver et rencontrer les œuvres des jeunes artistes avec leurs intègres contradictions. Leurs travaux étouffent nos certitudes, parfois dans les cendres du temps des assassins, (Rimbaud et ses révoltes ne s’arrêteront jamais ni au lieu ni à la formule æ tout artiste en est le dépositaire) ils sont des échappées et des découpes d’indétermination face à l’origine et au sujet des images.
Mouvements du regard et de la pensée évidemment inaccomplis, il nous faut, accompagnant les jeunes artistes, dans des rendez-vous réguliers retrouver ce qui a mis en acte leurs réalisations lors de ces 4 ou 5 ans passés entre ces murs de l’ESBA. Aller à chaque fois à la rencontre d’un nouvel univers est notre mission, nous devons « faire du langage ». N’est-ce pas là, en acte, la visée de l’art : reconstituer du langage et de nouvelles attentions au monde et à ses signes ; confronter les mots aux choses à dire et à voir, toujours mal vu, mal dit.
L’enjeu d’une Ecole d’Art comme celle de Genève est de laisser ouvertes les propositions des jeunes artistes et de ne pas les sceller dans un quelconque courant. Enseignant, nous devons tenter de saisir, les parcours qu’ils ont inventés en empilant, dans une alternance jamais stabilisée, des questions et des décisions, des origines et des voyages, des possibilités et des résistances, des doutes et des doutes.
Je pense souvent à Aurélie Nemours, quand elle décida d’abolir l’oblique - une décision, sans incidence apparente pour le monde. Il y a toujours des nuits, des jours, mais rien n’est plus comme avant pour elle et pour nous, regardeurs de ses peintures.

Chaque décision est un nouveau vouloir au monde. Il vous faut courir, vous cogner s’il le faut, mais toujours révéler la lumière, même là où le soleil se tait.

Permettre, dans un même élan l’assimilation et la dissémination, est la nécessité d’une école, la diversité des propositions de l’ESBA de Genève répond à celle des enseignements et des professeurs. Le principe d’influence n’est pas des plus certains, il s’agit plutôt de compréhension et de confiance. Par les rencontres, la proximité avec leur professeur, les étudiants ont envisagé des possibles de forme et de pensée, chacun reprenant le souffle de son inclination personnelle, là où aucun chemin n’est définitivement tracé. Une école d’art ne fait plus école aujourd’hui, et c’est heureux ; les étudiants la découvrent un par un, seul à seul. Ils la forment et la déforment sans certitude. Ils s’adaptent à son cadre, son étendue, mais s’y déplacent dans un va-et-vient insistant. De la peinture à la vidéo, puis retour sur image, il leur a fallu se mouvoir constamment de place en place, afin de résoudre la négociation des formes et des moyens.

Ici ou ailleurs æ jamais ou maintenant. Neverless, erverless.

Les Beaux-arts ne préparent pas à un métier, mais à tous les métiers, pour être artiste il faut tout connaître, une curiosité aux aguets, comme le clochard qui doit garder sa vigilance pour survivre, (lire George Orwell, Dans la dèche, à Paris et à Londres) et toujours revivre et accumuler des vies dissonantes, mais en prévision d’une promesse du futur (ou d’un tremblement comme le crie André Breton...), de tous les futurs, même ceux d’un jour, d’un étonnement sublime et rêvé.

Qu’est-ce que le rêve ? Et la pensée du rêve ?
Et la langue du rêve ? Y aurait-il une éthique ou une politique du rêve qui ne cède ni à l’imaginaire
Ni à l’utopie, qui donc ne soit pas démissionnaire,
Irresponsable et évasive ?
Jacques Derrida.

Proposer une exposition réunissant tous les diplômés d’une même année est de fait une gageure que la polyphonie de ce texte tente de traduire, une année se termine, les jeunes artistes diplômés ne reviendront plus à l’ESBA, ils plongent tous dans la vie et ses principes d’incertitudes. Cette manifestation finale se veut ouverture, si, à-priori rien ne réunit leurs créations, nous allons toiser, questionner et calibrer ces a-priori de haut en bas dans la dispersion de ces expositions dans tout Genève, des lieux institutionnels ou alternatifs (Genève est riche d’initiatives d’artistes avec la création de lieux de diffusion et de création de qualité bénéficiant du soutien de la ville). Ces croisements d’espaces et d’œuvres seront métaphores des expériences à venir pour les jeunes artistes.
Ne pas s’arrêter à l’image, son médium ou son pôle mais à son origine et son incidence, a été le fil conducteur, dans la conception de cette exposition.

L'anno che sta arrivando tra un anno passerà, io mi sto preparando è questa la novità (toujours Lucio Dalla…).

 

Vrais artistes, petits joueurs, vrais, faux tout est à jouer, qu’importe le bagage seul la traversée motive. Inconfort d’être à la fois le transport et le transporté. La lumière qui nous crève les yeux est ténèbres pour nous. Seul point le jour auquel nous sommes éveillés. Il y a plus de jours à poindre. Le soleil n’est qu’une étoile du matin.
Henry David Thoreau.

 

Vrais durs, faux durs la danse est ouverte, Mais les artistes n’ont pas à se justifier, vrais artistes, faux artistes : fausse question æ il faut mener la danse avec générosité luttant pied à pied contre le cynisme et l’aigreur. To be or not to be, la vie et ces inquiétudes précipités sont à conquérir : une possibilité offerte de se réconcilier avec ce qui a été et ce qui est, écrit Hannah Arendt. Une question d’attitude…

Contre tout cela, vous ne devez rien faire d’autre (je crois) que de continuer à être vous-mêmes : cela signifie être continuellement irreconnaissables. Oublier immédiatement les grands succès, et continuer imperturbables, obstinés, éternellement contraires, à prétendre, à vouloir, à vous identifier avec ce qui est autre ;
Pier Paolo Pasolini.

 

claps our hands...

Eric Corne
Juillet 2006

http://www.hesge.ch/esba/

 

L’Innommable, Paris, Minuit, « 10/18 », 1972, p. 58
Feuilles d’herbes, Paris,Grasset, 1989, p.213. .Ô mon Capitaine !
C’en est fini du terrible voyage, ô mon capitaine,
Essuyés tous les grains, remportés tous les gains par notre vaisseaux
Discours de Francfort, Le Monde Diplomatique, 2002, p.24,27
Walden ou la vie dans les bois, Paris, Gallimard, 1990, p.332.
Lettres Luthériennes, Seuils, 2000, Points, p.233.